Le Grand Cahier

En 1956, Agota Kristof a 21 ans. En fuite devant l'armée soviétique entrant en Hongrie, elle pose définitivement ses valises à Neuchâtel. Cet exil forcé marquera au fer rouge sa vie et son oeuvre.
Le Grand Cahier est le premier volet puissant d'une trilogie qui fondera sa carrière d'écrivaine. L'histoire se passe tout près d'une frontière. La guerre est là, menaçante. Pour les jumeaux protagonistes de la trilogie, elle ne l'est pas plus que les hommes et les femmes qui habitent ce territoire. La faim n'est guère plus terrible que la méchanceté ou la bêtise et les deux jeunes frères apprendront à poser des collets, à se battre avec les poings et à cogner avec les mots.
L'adaptation sur scène de cette histoire rude et terriblement humaine est à la hauteur du propos: juste, incisive, au cordeau. Chaque geste, regard, mot, fait sens. Aucune lourdeur, pas de gras dans cette mise en scène orchestrée de main de maître. Chacun apprend les fondamentaux pour survivre car la liberté qui attend ses deux enfants est à ce prix. Superbe !

Interprétés par deux formidables actrices au maquillages expressionniste, les jumeaux sont là, à deux pas des spectateurs, pantins humains manipulés comme des marionnettes à taille humaine par un troisième comédiens. Et presque tous les autres personnages sont dédoublé : si ce n'est toi, c'est donc ton frère... On est happé par cette danse du mal en train de se faire. Du très, très bon théâtre. L'Express